Déploiement et commercialisation de la 5G :
Une régulation à la hauteur s’impose
A quelques mois de l’arrivée sur le marché des premiers abonnements téléphoniques 5G, et à la veille de la clôture de la consultation de l’Autorité de régulation des communications électroniques (Arcep) sur son projet de régulation1, l’UFC-Que Choisir s’alarme des nombreuses failles de ce dernier. En effet, non seulement il ne permet pas à tous les consommateurs d’accéder à terme au meilleur de la 5G, mais en plus il ouvre la voie à toutes les dérives marketing des opérateurs. L’association lui demande donc de corriger les lacunes actuelles de son projet, tout en affirmant qu’elle veillera scrupuleusement à ce que les pratiques commerciales des opérateurs ne soient pas trompeuses.
5G : une technologie, de multiples réalités
Attendue pour être commercialisée en 2020, la 5G, qui permettra des débits de transfert des données bien supérieurs, présentera à son lancement une situation inédite. En effet, alors qu’au démarrage de la 4G les opérateurs proposaient peu ou prou les mêmes débits, la situation sera bien différente concernant la 5G. Pour sa principale bande de fréquences (3490-3800 MHz), les enchères entre opérateurs pourront aboutir à ce que l’un d’entre eux n’ait que 40 MHz à exploiter, quand un autre pourra en obtenir jusqu’à 100 MHz. Autrement dit : les débits maximaux pourront varier du simple au plus du double entre opérateurs, pour une technologie en apparence identique. De plus, en intégrant une autre bande de fréquences qui sera utilisée pour la 5G (700 MHz), cet écart deviendra en réalité abyssal puisque les débits théoriques pourront alors s’échelonner de 30 Mbit/s à plus d’1 Gbit/s !
Le risque des mystifications marketing des opérateurs
Le projet de décision de l’Arcep ne tient pourtant aucunement compte des contrastes de la 5G. En l’état, les opérateurs pourraient donc la commercialiser à grand renfort de campagnes publicitaires, sans avoir à en préciser la qualité, quand en réalité une partie des consommateurs n’obtiendra qu’une qualité parfois inférieure à celle de la 4G ! Comment accepter cette situation, alors que les opérateurs ne font parallèlement pas mystère de leur volonté de monétiser cette 5G via des forfaits plus chers que ceux actuellement sur le marché ? Dès lors, il est indispensable de contraindre les opérateurs à distinguer, dans les cartes de couverture qu’ils mettront en avant, les zones réceptionnant la 5G selon la qualité mise à la disposition des consommateurs particuliers2. Par ailleurs, l’Arcep doit interdire aux opérateurs de prétendre offrir de la 5G si celle-ci ne garantit pas – pas seulement en théorie mais aussi en pratique – des débits supérieurs à ceux de la 4G.
Déploiement : 10 % de la population exclue de la meilleure 5G ?
Pour bénéficier du meilleur de la 5G et non pas d’une 5G au rabais, les consommateurs devront donc pouvoir capter avec leurs smartphones les fréquences 3490-3800 MHz3. Pourtant, force est de constater que de nombreux consommateurs risquent d’être exclus du progrès technologique. En effet, l’Arcep, cela est une première, n’impose plus aux opérateurs un déploiement en termes de couverture de la population mais en termes de nombre de sites émetteurs (au moins 12 000 pour chaque opérateur au 31 décembre 2025). Or, à ce niveau, la couverture de la population par la meilleure 5G sera loin d’être intégrale. Pour s’en convaincre, notons qu’avec plus de 12 000 sites 4G4, l’opérateur qui en dispose le moins ne couvre actuellement que 93 % de la population. Compte tenu de la portée relativement modérée de la bande de fréquence 5G 3490-3800 MHz par rapport à celles de la 4G, il est certain que le respect de l’obligation minimale aboutirait à rendre la « bonne » 5G disponible pour probablement moins de 90 % des consommateurs. Qui plus est, ce raisonnement en termes de sites laisserait le champ libre aux opérateurs pour les concentrer sur les zones denses les plus rentables, au détriment de nombreux territoires pouvant être orphelins ad vitam æternam d’une 5G de qualité. Le rétablissement d’un calendrier basé sur l’évolution de la part de la population couverte, couplé à un objectif à terme de couverture intégrale en 5G de qualité, s’impose.
Soucieuse de garantir à tous les consommateurs un accès à une 5G de qualité, l’UFC-Que Choisir a répondu formellement à la consultation publique lancée par l’Arcep en lui demandant de modifier ses orientations, notamment pour prévoir un accès pour tous au meilleur à la 5G et encadrer strictement les futures campagnes marketing des opérateurs.
1 https://www.arcep.fr/actualites/les-communiques-de-presse/detail/n/5g-4.html
2 A terme, lorsque les coeurs de réseau 5G seront mis en place, il sera en effet possible pour les opérateurs de réserver une partie de la bande passante à des professionnels, réduisant de fait la capacité disponible pour les particuliers.
3 Les fréquences de la bande 26 GHz viendront ultérieurement compléter le spectre dont disposeront les opérateurs pour leur 5G. Elles offriront des débits encore plus élevés, mais se caractériseront également par une faible portée, et une faible capacité à pénétrer à l’intérieur des bâtiments.
4 https://www.anfr.fr/gestion-des-frequences-sites/lobservatoire/actualites/actualite/actualites/observatoire-anfr-plus-de-47-200-sites-4g-autorises-par-lanfr-en-france-au-1er-aout-2019/
Marc ORIBELLI
Président de l’UFC Que Choisir de Nîmes